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Magyd Cherfi « Ce qui m’importe, c’est la délicatesse »

09h28 - 23 octobre 2017 - par Info Clermont Métropole
Magyd Cherfi « Ce qui m’importe, c’est la délicatesse »
- © CULT_CHERFI

[caption id="attachment_219050" align="aligncenter" width="640"] Il a sorti « Catégorie Reine », son troisième album solo, l’année de ses 55 ans © DR[/caption] Moins en colère, plus apaisé. Le parolier de Zebda, également écrivain et poète « d’origine gasconne », comme il le souligne, sera en concert à Cébazat le vendredi 17 novembre, dans le cadre du festival « Sémaphore en chanson »*. I - « Catégorie Reine » a vu le jour grâce à une campagne de financement participatif. Etait-ce un choix ou une obligation ? M. C. – Un peu les deux. J’ai bien fait le tour des maisons de disques, mais ce projet n’intéressait personne. Je me suis retrouvé le bec dans l’eau. En même temps, quand mon fils m’a parlé du financement participatif, je me suis dit « pourquoi pas ? » J’ai donc aussi fait cette campagne de manière très volontaire. I – Comment expliquer ce refus des maisons de disques, au vu de votre parcours ? M. C. – Globalement, les maisons de disques sont beaucoup plus frileuses pour des signatures. Et pour le dire tout à fait franchement, Magyd Cherfi, c’est le vieux chanteur. Ça ne les branche pas vraiment d’avoir à travailler avec un artiste qui a déjà 25 ans de route. Ils ont besoin d’être excités par des aspirants, susceptibles d’être vendus. Avec de la chanson française classique, vous n’intéressez aucune radio ! A l’inverse, si vous êtes jeune, si vous êtes dans un trip urbain, hip-hop, RnB ou électro, il y a un « marché. » Alors que moi il me faut marcher pour trouver ce marché (il rit) ! Quand on a passé la barre des 50 ans, être signé dans une major relève donc du miracle. Même si on a écrit des bouquins… I – Vous allez fêter vos 55 ans le 4 novembre. Quel serait votre plus beau cadeau ? M. C. – Depuis une petite décennie, tous les 4 novembre, je ne me sens pas très bien... Honnêtement, j’ai été gâté par la vie. Je ne demande plus rien au monde. J’ai même eu des cadeaux inespérés, comme mon écriture, alors que cela me paraissait improbable il y a une vingtaine d’années. Ce qu’il faut m’offrir un 4 novembre, c’est un saint-honoré. Parce que je suis gourmand ! https://www.youtube.com/watch?v=552l5E5oVUE I – Que dîtes-vous au Magyd Cherfi de « Tomber la chemise », plus jeune que vous de 20 ans ? M. C. – Franchement, je ne regrette absolument pas cette chanson. Elle a sorti Zebda de l’ornière, elle nous a permis d’être dans le confort, de respirer, de prendre de la distance. Ceci dit, à titre personnel, ce titre m’a fait du mal. J’avais envie d’être perçu comme un auteur sensible. C’était un peu égoïste, bien sûr, vis-à-vis du groupe, mais là, j’étais devenu un peu le Patrick Sébastien du moment. Pour résumer, je ne regrette pas cette chanson, mais dire qu’elle m’a fait du mal, oui. C’était un cadeau empoisonné. La « Chemise » ne m’a pas assassiné mais un peu écorché. I – Vous n’allez donc pas la chanter durant votre concert à Cébazat… M. C. – Certainement pas ! Plutôt me jeter dans un précipice berbère. Avec Zebda, je ne me l’interdis pas. Mais j’ai fait un album solo encore plus douloureux que les autres, encore plus sensible, encore plus intime. Peut-être pour essayer d’éteindre ce feu avec une épaisse couverture. I – Que vouliez-vous raconter dans « Catégorie Reine » ? M. C. – Dans toutes mes chansons, je raconte la même histoire. Celle de la discrimination faite aux uns par d’autres. Je raconte l’inégalité, l’injustice. Je le fais avec humour, dérision, tendresse. Si vous prenez n’importe laquelle de mes chansons, elle soulève ce type de sujet. Je continue ce travail-là, en étant plus intimiste dans mes albums solos. I – Plus intimiste et moins en colère ? M. C. – Oui. Je ne voulais pas raconter l’histoire d’un mec en colère, car je le suis moins qu’à vingt ans. Le confort m’a pris à la gorge ; ma vie est plutôt agréable, car je la passe à écrire. Je me retrouve assis devant un ordinateur à composer des rimes, des hémistiches, des alexandrins… J’essaie de préserver une certaine incandescence, bien sûr, mais je ne veux pas qu’elle soit aussi prégnante qu’auparavant. Je ne voulais pas non plus fabriquer une colère pour entretenir je ne sais quelle mythologie. I. – Cet album penche-t-il aussi du côté de la fiction ? M. C. – Oui, dans le sens où une chanson n’est pas un reportage. Il faut qu’il y ait une part sublimée. Je pars de sujets très souvent autobiographiques, mais en apportant une poétique dans la politique ; comme une part de beauté. Je peux traiter de sujets extrêmement douloureux, mais ce qui m’importe, c’est la délicatesse. Le public doit se sentir soulevé, flatté, par l’intelligence ou la beauté d’un propos. I. – Votre tournée s’appelle « Tour de Magie ». Pourquoi ? M. C. – C’est la magie des mots. J’ai la chance d’avoir ouvert le coffre-fort du savoir. Les mots m’ont permis de me connaître. Et en se connaissant soi, on connaît mieux les autres. Tout le monde n’a pas ce privilège. Ce filtre déployé à travers mon spectacle rend les choses entendables. Même dans l’horreur, il faut de la rêverie. L’intérêt du spectacle, c’est de transcender, de pouvoir dire des choses de la vie sans blesser. C’est l’espoir que suscitent beaucoup d’artistes. I. – Connaissez-vous l’angoisse de la page blanche ? M. C. – Je ne la connais pas. Je suis plutôt le genre de mec qui en a trop à dire. J’écris au kilomètre, et j’en extrais le meilleur. Je suis aussi un journaliste dans l’âme, un marathonien du mot. L’important pour moi, c’est d’entretenir ce muscle. Mais jusqu’à présent je suis plutôt dans le trop-plein d’idées, même si cela ne fait pas forcément le talent !

*Du 8 au 17 novembre. Toutes les infos sont sur www.semaphore-cebazat.fr tel. : 04 73 87 43 41

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