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Serge Boudu « Il faut donner un peu d’amour »

09h37 - 18 décembre 2017 - par Info Clermont Métropole
Serge Boudu « Il faut donner un peu d’amour »
- © boudu

[caption id="attachment_220014" align="aligncenter" width="759"] Boudu a été sauvé des eaux un jour de 1958 à Cournon d’Auvergne. En 1981, il a ouvert le Phidias à Orcines, une boîte de nuits qui a marqué plusieurs générations de Clermontois… © Emmanuel THEROND[/caption] A 75 ans « et demi », le roi des nuits clermontoises a rangé ses patins à roulettes. Mais il n’a rien perdu de sa tendresse et de son humour. Il revient sur ses souvenirs, sa popularité, sa vie d’aujourd’hui… Le Phidias n’est plus mais Boudu si. Confidences. Info - Le tutoiement et la bise pour tous, ça remonte à quand ? Boudu - Tu sais comment ça a commencé ? Quand je faisais des bals populaires dans le bassin minier, il y avait beaucoup de petits voyous. Ça partait souvent en bagarre générale. Mais dans l’orchestre, nous étions très respectés. C’est là que je me suis mis à faire la bise à tout le monde. Ça passait comme une lettre à la poste, car j’ai un élan très affectif. I. – Même avec les salauds ? B. - Un jour, j’étais à Varennes-sur-Allier. Un mec baraqué dormait sur un banc à la sortie du bal. Je vais pour le réveiller. Une copine me dit : « Pas lui ! Il va te taper sur la gueule ! Il peut pas te piffrer ! » Je l’ai quand même réveillé. Il était un peu agressif dans le regard. Mais il ne savait pas comment rentrer chez lui à Vichy. Alors on l’a ramené dans le camion. Je me rappelle toujours de son nom : il s’appelait Maréchal. Après, il est presque devenu le protecteur du groupe… Tout ça pour répéter que j’ai un élan très affectif. Si j’arrêtais de faire la bise aux gens, ils seraient choqués ! C’est une approche naturelle pour moi… I. - Tu as plein de vrais amis. Mais aussi des amis virtuels, sur Facebook… B. - Je connais en effet beaucoup de monde sur Facebook. Je reçois plein de messages. Cela me permet de retrouver des gens que je n’ai pas vus depuis longtemps. Ça fait plaisir. Si je n’avais pas Facebook, j’en oublierais les trois-quarts… C’est con à dire, mais c’est ça ! I. - L’époque actuelle appelle au repli sur soi, à l’égoïsme… Le contraire de ce que tu incarnes. C’est un peu désolant, non ? B. – Tu as raison. C’est presque du chacun pour soi. C’est malheureux. Il faut donner un peu d’amour… Pas autre chose ! Avant, c’était plus naturel, il y avait moins de problèmes. Je ne sais pas comment expliquer ça. Aujourd’hui, il y a des agressions pour rien, partout. Pourquoi ? Je pose la question. Ces gens-là ont peut-être un manque, ne se sentent pas bien… Avant, on disait qu’on était bien dans nos pantoufles. On ne peut plus le dire aujourd’hui. On fait attention à tout. La France est un pays de liberté, mais on la perd petit à petit… I. - Es-tu nostalgique de cette époque d’insouciance ? B. - Oui. Je suis nostalgique de cette époque qui va des années 57-60, des années Hallyday finalement, aux années 2005-2010. I. - Es-tu toujours un homme de nuit à 75 ans ? B. - J’ai 75 ans et demi (il rit franchement) ! Je continue de sortir, oui. Je vais au bistrot de temps en temps. Dans des bars à vin, aussi. L’autre jour, j’étais en boîte de nuit au Baraka. La clientèle était très sympathique. Les gens sont cools, fêtards. J’ai des amis partout. Je suis aussi allé à l’Aquarius boire du champagne avec des amis. C’était un lundi après-midi. J’ai trouvé plein d’anciennes… (il rit) I. - En fait, Boudu n’a pas 75 ans mais à peine 60, puisque ton personnage est né en 1958… B. - Ah oui, t’as raison ! J’étais à la piscine militaire de Cournon. T’y crois, toi ? C’est un pompier qui m’a « sauvé des eaux », comme le film. C’était mon premier bouche-à-bouche. Il était en train de pêcher. Après coup, je n’ai jamais su qui il était. Pour lui, c’était normal… En tout cas, je vois que t’as bouquiné (sourire). I. - Les nouveaux étudiants ne te connaissent pas forcément… Comment te présenterais-tu ? B. - Les gamins de 20 ans me connaissent grâce à leurs parents et à leurs grands-parents. D’autres ne me connaissent pas, c’est vrai. Je pourrais peut-être leur dire que pendant 10 ans j’ai animé les soirées étudiantes à la Maison des Sports avec Patrick Juvet, Patrick Hernandez, Chantal Goya… C’était énorme, Chantal Goya. Elle a mis une ambiance de feu avec les gamins. C’était fabuleux. Je veux dire à tous ces jeunes que j’étais très heureux pendant ces dix années de faire la fête avec eux. Cette époque m’a vraiment marqué. I. - Quels sont tes plus beaux souvenirs et tes plus belles rencontres ? B. - (Silence…) J’en ai tellement, presque trop… C’est dur de les oublier. Je ne peux pas. Ils sont ancrés. Mes plus beaux souvenirs, c’est ma famille. 51 de mariage, ça ne s’oublie pas comme ça. Il y a aussi tous les gens qui ont travaillé avec moi : je n’ai que de belles choses à dire sur eux. Vraiment. Ils ont été fidèles en amitié, fidèles dans le travail. Toujours présents. C’est important dans une boîte de nuit d’avoir des amis sur lesquels t’appuyer. Je n’oublierais pas Bernard Lavilliers non plus. J’ai lai connu au Club 3000, du temps de « Traffic. » Toutes les boîtes où j’étais, il venait. Un jour - on ne buvait pas que de l’eau – quelqu’un a ouvert la cage de mes inséparables au Must. Pour pas que les chats les bouffent, avec Bernard Lavilliers, on a fait les acrobates sur les banquettes pour les récupérer. On a même dû démonter la scène… Je n’oublierai jamais ça. I. - Ça te fait quoi de voir que le Phidias est devenu une résidence ? B. - Ça fait mal au cœur. Quand j’ai vendu, on n’avait pas le droit de construire sur le terrain. Au bout de deux ans, ça a changé. Ils ont fait des maisons dessus. Ils m’ont coupé mes beaux arbres. Il m’en reste qu’un seul, celui qui était devant le manoir. Un matin j’ai entendu des tronçonneuses. Tous les arbres étaient couchés. J’avais la larme à l’œil tellement ça m’a fait de la peine. I. - Comment expliques-tu ta popularité ? B. - Je ne sais pas (il réfléchit) Les gens ont besoin de tendresse, d’amitié et d’amour. Dès que tu leur en donnes un peu, ils te le rendent. C’est ma façon de voir les gens, de prendre ce qu’ils me donnent. C’est un peu banal ce que je dis, mais c’est ça. I. - Tu as besoin de cette affection ? B. - Comme tout le monde… Mais moi, j’en ai besoin tout le temps. I. - Quel souvenir aimerais-tu qu’on garde de toi ? B. - Celui d’un personnage jovial, c’est tout. Un jour, Carlos m’a fait une dédicace bien sympa. Il a écrit : « Pour mon pote Boudu et son ambiance de tendresse et d’amour avec l’ingratitude d’un ignoble personnage qui aime tant la vie et la musique ». Mais il était bourré (il rit) ! Les gens qui font des dédicaces ne se rendent pas compte quelle portée ça peut avoir sur moi… Cela m’a ému. I. - Tu es un grand émotif ? B. - Moi, oui. Je pleure pour tout. Quand ça se passe mal avec des animaux, je pleure ; quand je vois des gens malheureux dans un film, je pleure… C’est dingue. I. - Si tu n’avais pas été Boudu, qui serais-tu ? B. - Je serais moi. Comme je suis. Je crois qu’on se créé son destin. Mon père était marchand de vin, je ne voyais pas prendre cette direction. J’étais un peu dégouté par l’odeur de la vinasse (il rit) I. - Que peut-on te souhaiter pour 2018 ? B. - La santé pour moi et pour tout le monde. Jusqu’à présent, je touche du bois. Pourtant j’ai tenté le diable ! Mais il ne veut pas de moi, tant mieux. Sinon, je n’ai pas de projets particuliers. Ou alors par accident. Comme cette soirée « Génération Phidias » à la dernière Foire de Cournon. C’était un évènement extraordinaire. Faire venir autant de monde… Là, j’ai été émotif. Je n’ai pas pu dire un mot sur scène. J’étais toujours en larmes. I. - As-tu transmis ce virus de la nuit à tes enfants ? B. - L’un de mes fils, Julien, est dans l’hôtellerie. Il travaille au Princesse Flore. L’autre, Sébastien, est ingénieur du son pour plein d’artistes. Mais j’ai un petit-fils qui est barman au Baraka. Apparemment ça lui plaît. Il veut continuer dans cette branche. A mon avis, il va aimer la nuit… C’est le seul de la lignée des Boudu ! I. - Comment occupes-tu tes journées en ce moment ? B. - J’ai un bassin avec des koïs. Il faut que je m’en occupe. En ce moment, il y a plein de feuilles qui tombent. Je ratisse un peu. J’ai aussi une maison à Montpellier. Sinon je suis souvent à Clermont. La ville a changé. Mais il faudrait que ça change un peu plus. A l’époque, pendant les fêtes, il y avait un arc de Triomphe rue Blatin. C’était illuminé de partout. Les petites rues et tout. Maintenant, il n’y a que Jaude ou presque… Et le marché de Noël. Ailleurs ça manque un peu de vie. Mais on ne va pas se plaindre pour une loupiotte (il rit) ! Il y a tellement de choses plus importantes dans la vie.

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