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Marc-Alexis Roquejoffre « Il est normal que des journalistes s’interrogent sur la pratique du métier »

14h55 - 02 mai 2017 - par Info Clermont Métropole
Marc-Alexis Roquejoffre « Il est normal que des journalistes s’interrogent sur la pratique du métier »
- © ACTU_MAR

La méfiance envers les médias n’a jamais été aussi grande. Qu’en pensent les journalistes clermontois ? Info a donné la parole à Marc-Alexis Roquejoffre. Il est rédacteur en chef de RCF 63, ancien président du Club de la Presse, mais également formateur et consultant en journalisme. M.-A. R. - Les Français font de moins en moins confiance aux médias. Pourquoi ? I. – On a les journalistes que l’on mérite. Quand on s’aperçoit que les seuls médias qui gagnent de l’argent sont les médias dits « people », et non pas ceux qui proposent une réflexion ou une connaissance sur quelque chose, on peut déjà s’interroger. Ensuite, en tant que journalistes, nous devons prendre du recul sur nos pratiques, nos manières d’être et nos manières de faire. Culturellement, nous aimons regarder ce qui va mal, en oubliant de faire notre auto-critique. Dans ce contexte, le journalisme d’investigation a pris une part très importante. Si bien que nous sommes dans l’attente quasi-systématique d’une révélation non plus de la part des juges ou des policiers, mais des journalistes. Comme s’ils avaient changé leur raison d’être. Etre journaliste, c’est présenter des faits : ce n’est pas les analyser, voire les provoquer. Trop de journalistes sont dans cette logique de vouloir générer du sensationnel à travers des informations qui sont probablement réelles, certes, mais qui ne mériteraient pas systématiquement le cinéma que l’on en fait. I. – Vous pensez à l’affaire Fillon ? M.-A. R. – Oui, mais on pourrait prendre d’autres exemples. Trop de médias existent dans cette logique de systématiquement dénoncer, critiquer, jeter de l’opprobre. Il n’y a plus suffisamment de médias qui s’intéressent à mettre en valeur ce qui donne du sens aux hommes, aux femmes, aux projets, à l’entreprenariat, aux réalisations, donc au territoire sur lequel on vit. Il est nécessaire d’avoir des souffles, des respirations, des joies, des moments de satisfaction sociétale. I. – Les journalistes seraient-ils parfois « donneurs de leçons » ? M.-A. R. – Oui. Il y a cinquante ans, le journaliste était considéré comme le quatrième pouvoir. Pour les raisons que nous venons d’évoquer, il est passé au stade du deuxième pouvoir. Du coup, il se positionne parfois en donneur de leçon. I. - La presse locale est-elle moins épargnée par le phénomène ? M.-A. R. – Le journalisme local est moins dans la logique de la dénonciation. Mais son rôle est aussi de mettre en valeur ce qui donne du sens, au plus proche des personnes. On peut aussi reprocher à un certain nombre de médias dits « locaux » de systématiquement donner la parole aux mêmes, ou de valoriser ceux qui le sont déjà par leur activité, comme si derrière ils attendaient des retours. J’assume mes mots et mes propos. Et je crois qu’il est normal que des journalistes s’interrogent sur la pratique du métier, comme nous sommes en train de le faire à travers cette interview. Par mon expérience, je me suis aperçu qu’on pouvait tout à fait donner la parole à des personnes qui médiatiquement ne sont pas dans la lumière, mais qui intellectuellement ont des milliers de choses à dire dans cette logique de sens et de proximité. I. – Quels défis doit relever la presse pour retrouver sa crédibilité ? M.-A. R. – Le temps où les journalistes faisaient la pluie et le beau temps est révolu. Aujourd’hui, 40 millions de Français sont potentiellement sources d’information, de pratique journalistique. Pour redonner du crédit à la profession, il faut éviter de tous parler de la même chose, arrêter le copier-coller et être dans des niches intellectuelles et éditoriales. Il faut arrêter le généralisme sans envergure ni certitude. A force de vouloir ménager la chèvre et le chou, on en oublie complètement ce pour quoi on existe. Ce n’est pas parce que le média qui historiquement est le plus important sur un territoire parlerait de quelque chose qu’il faut systématiquement le reprendre ou estimer que c’est la seule information du jour. Je m’aperçois également, avec ma petite expérience, que les journalistes doivent aussi avoir un rôle de « passerelle » entre plusieurs individus qui ont envie de faire quelque chose pour un territoire.

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