La fougue et l'humour des Fatals Picards le 8 novembre à La Coopérative de mai
Depuis 25 ans, Les Fatals Picards distillent leur chansons pleines d'humour et d'engagement mais aussi de poésie. Groupe phare de la scène française, il a marqué plusieurs générations et sera en concert à La Coopérative de mai le samedi 8 novembre à 20 heures. Entretien avec le guitariste et chanteur Laurent Honel.
Avec du recul comment voyez-vous cette aventure d'un quart de siècle ?
Pour nous c'est assez hallucinant que cette aventure, assez improbable au début, dure aussi longtemps. D'autant plus que pour cette tournée d'automne, nous n'avons jamais eu autant de dates pleines ou bientôt pleines pour la Coopérative de mai. C'était un projet improbable les Fatals Picards. Il y avait juste Ivan, l'ancien chanteur et moi au départ. On avait deux guitares, un cadi et l'envie de faire des concerts avec cet ADN fait de second degré, de décalage et 25 ans après on est devenus une vraie famille avec les techniciens et les musiciens. C'est une famille de 8 personnes qui prend la route avec la chance de faire un métier qu'on aime et qui rend heureux les gens. On ne peut qu'être hyper heureux de faire ça.
Il y a eu du chemin depuis "L'amour à la française" le titre que vous avez joué à l'Eurovision en 2007 ?
Ce n'est pas forcément un titre phare de nos concerts. Quand on fait nos set list, nous proposons un florilège de nos albums mais ce titre est peu streamé par exemple. Mais c'est vrai que l'Eurovision a été un superbe accélérateur pour nous. Très peu de gens ont la chance de le faire même quand on se plante avec autant de brio que nous (22e sur 24e) mais c'est vrai que cela nous a permis d'aller à Taratata ou chez Laurent Ruquier. Pour des gens qui viennent de la scène alternative, cela n'aurait pas été possible en temps normal et nous sommes passés de scènes de 300 à 400 personnes à des salles comme l'Olympia ou des SMACS (Scène de musiques actuelles N.D.L.R.) comme celles de Clermont ou de Saint-Étienne. Les gens ont pu découvrir ce titre mais surtout notre répertoire qui était déjà bien étoffé depuis 2000. Ce n'était pas éphémère.
La tournée des 20 ans avait été perturbée par le Covid mais là, le public est présent. Vous prévoyez même un Zénith de Paris le 30 mai 2026 ?
Nous aimons bien les Smacs car il y a la proximité comme à Clermont. Un Zénith, c'est un challenge. Cela est venu par hasard car on voulait faire deux Olympia d'affilée mais cela ne s'est pas fait. En capacité cela correspondait et on ne pouvait pas faire moins bien vis-à-vis des fans et des professionnels. Nous avons réussi à avoir un Zénith à Paris un samedi donc on prend ! On a déjà vendu 3 500 billets à 7 mois de l'évènement c'est assez exceptionnel. Ce sera surtout l'occasion de proposer quelque chose de différent en termes d'images, d'invités et de spectacle.
"On a tout pour être de plus en plus énervés. La rébellion, la colère, on l'a en nous."
En termes de thématiques, de "discours" qu'est-ce qui a évolué chez vous en 25 ans. Dans Noir(s) vous disiez que les Rebels sont devenus papas... Les Fatals Picards aussi ?
Oui, certains sont devenus papas c'est sûr mais personnellement je n'arrive pas à m'assagir politiquement avec les années. On a tout pour être de plus en plus énervés. Il y a toute une partie de notre vie qui fait que nous nous sommes embourgeoisés mais pas intellectuellement. Le fait de mûrir et d'avoir plus d'outils intellectuels pour comprendre le monde, cela me désespère encore plus quand je vois tout ce qui peut se passer. La rébellion, la colère, on l'a en nous. Chez les Fatals, on est issus de la classe moyenne française donc nous n'avions pas de motifs de rébellion incroyables, c'était plus nos parents et nos grands-parents. Mais il y a encore beaucoup de colère et la société telle qu'elle est, le modèle que l'on nous propose, tous, les modèles technologiques, idéologiques, sociétaux... ne correspondent pas ou très peu à ce à quoi nous aspirions au début. Je suis plus en colère et les motifs sont plus nombreux par apport au fait d'en savoir plus et d'avoir des enfants. Ma colère est plus étayée, plus légitime.
Sur certains concerts comme au Zénith de Paris, il y a des tarifs enfants et demandeurs d'emploi. Cette accessibilité au plus grand nombre est toujours importante pour vous ?
C'était fondamental, c'est bien de le remarquer. Car c'est la première chose que nous avons demandée et ce n'est pas de la démagogie. Notre spectacle ne coûte pas extrêmement cher à produire avec une débauche d'effets. Nous sommes justement en train de préparer une chanson avec ces histoires de concerts à un milliard de dollars, à 600 mètres de la scène et où le gobelet coûte 900 euros... C'est l'une des premières discussions que nous avons eu avec Aurélie notre manageuse de notre label Adone Productions. Nous avons un public de province qui va donc monter à Paris et devoir se loger. La politique tarifaire d'Indochine, avec qui nous partageons parfois une partie du public, a compté pour nous et Paul notre chanteur est très fan. Ils ont toujours fait attention au prix des places et nous, c'est pareil. Le Zénith, c'est une date que l'on produit donc on a de vraies discussions de fond sur la manière dont on veut "vendre" le spectacle.
"La fonction mémorielle de la chanson j'adore. Pouvoir se dire : quand j'avais dix ans ou avec mes potes j'écoutais ça. La chanson a quelque chose de génial en termes de lien social."
Le dernier album date de 2022. De nouvelles choses sont en préparation ?
Nous sommes en train d'écrire, nous avons perdu du temps par manque de créativité personnellement pendant un an, Paul aussi. Il y a la vie perso aussi mais c'est comme ça. Nous avions beaucoup de dates mais on va commencer à sortir des morceaux entre décembre et janvier en numérique. Quand on aura une quinzaine de titres, on proposera un album physique en adaptant l'offre à la demande car il y a beaucoup de mutations dans ce métier.
Sans tout dévoiler, à quoi peut-on s'attendre le 8 novembre à la Coopérative de mai ?
C'est un florilège des Fatals Picards de ce que l'on fait ses 25 dernières années pour que la personne lambda se dise : "je voulais entendre Punk à chien, ils l'ont joué, ou Mon père était tellement de gauche ou Bernard Lavilliers... ou La nouille à l'air et Les playmobils complotistes aussi..." On essaye d'être assez exhaustif. On change deux ou trois chansons toutes les semaines avec une colonne vertébrale immuable.
Et Chasse pêche et biture ?
Non on ne la fait pas beaucoup. C'est la première chanson que j'ai écrite...
Et vous pensez qu'il y aura "Un con avec un drapeau breton" dans la fosse de La Coopé ?
Alors ça c'est génial car il n'y en a pas un, il y en a plusieurs. Pour le Zénith, je sais que l'on a des fans qui sont en train de faire un drapeau géant car dans la chanson "À la vie, à l'Armor" on parle d'un drapeau breton de 25 m2. La dernière fois à Sotteville-lès-Rouen et il y avait beaucoup de drapeaux normands. Oui, "À la vie, à l'Armor", c'est l'une des chansons qui marche le mieux. Dans certains endroits c'est impressionnant.
Des chansons qui ont marqué la vie de votre public au fil des années ?
J'adore car on a un public qui vieillit mais avec beaucoup de jeunes dans nos concerts donc c'est hyper gratifiant. La fonction mémorielle de la chanson j'adore. Pouvoir se dire : "quand j'avais dix ans ou avec mes potes j'écoutais ça". La chanson a quelque chose de génial en termes de lien social. Il y a plein de couples qui se sont rencontrés grâce aux Fatals Picards. Cela semble tellement improbable que cela fait un super point commun. Il y a parfois des mariages.
Sur vos photos presse, on voit brièvement Bernard Lavilliers. Cela reste un incontournable ?
Oui pour deux raisons. C'est l'une des chansons que l'on joue le plus et qui marche le mieux. Et parce que Bernard Lavilliers, nous sommes tous fans ! Musicalement je l'admire beaucoup ce qui n'empêche pas d'assumer la chanson autour de ce personnage complètement barré. Mais quelle carrière ! À 79 ans il sort toujours des albums superbes. C'est l'un des artistes français qui a la plus haute tenue. Il s'entoure de sacrés musiciens et on aimerait bien l'avoir pour notre Zénith. On va voir... Il est venu jouer son sosie dans notre clip quand même... On a jamais fait de chansons sur les gens que l'on n'aime pas. Lavilliers, Yannick Noah, Johnny... Quand on les cite c'est qu'on les respecte. C'est notre limite de groupe de gauchiste de base. L'humour permet de faire des pas de côté et de tirer les gens vers le haut. Nous avons un public qui nous ressemble : curieux et plus dans la nuance, conscients que l'on peut combattre les idées de certaines personnes mais que c'est plus compliqué que ça.
Billets sur www.arachnee-concerts.com et www.lacoope.org Et le 7 novembre à Saint-Étienne.



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