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Cancer : une thérapie porteuse d'espoir

11h31 - 26 mai 2020 - par Info Clermont Métropole
Cancer : une thérapie porteuse d'espoir
Le Pr. Jacques-Olivier Bay rappelle que la mise en oeuvre de cette nouvelle technique est le fruit du travail collectif de nombreuses équipes du CHU comme le service de Thérapie cellulaireet hématologique clinique (Photo), la pharmacie, le service de

Pour combattre deux types de cancers hématologiques, de gros espoirs sont fondés sur la technologie « CAR-T cells ». Le CHU de Clermont-Ferrand fait partie des rares établissements en France à la mettre en oeuvre. Applications, espoirs, effets indésirables, perspectives à plus long terme... Décryptage scientifique avec le Professeur Jacques-Olivier Bay.

Nom de code : CAR-T cells pour « Chimeric Antigen Receptor T-cells ». Une appellation scientifique un peu barbare mais qui porte en elle une vraie révolution technique dans la lutte contre certains types de cancers. Le CHU de Clermont fait désormais partie des rares établissements de soins en France (une dizaine pour l'instant) à avoir mis en œuvre cette thérapeutique inventée aux États-Unis et testée pour la première fois dans l'hexagone en 2017.

Leucémies aiguës et lymphomes

Sur le principe, ce traitement révolutionnaire concerne deux types de tumeurs : les leucémies aiguës lymphoblastiques et les lymphomes malins non hodgkiniens, qui sont des formes de maladies essentiellement hématologiques.

« Nous utilisons les cellules du patient qui ont la capacité de pouvoir détruire des tumeurs. L'idée, c'était de modifier ces cellules de façon à ce qu'elles reconnaissent bien la cible cancéreuse et qu'elles s'affranchissent du mécanisme de tolérance développé par le propre système immunitaire du patient », décrit le Professeur Jacques-Olivier Bay, chef du service de thérapie cellulaire et hématologie clinique du CHU.

Pour le patient, il n'y a qu'une seule réinjection et les cellules se multiplient ensuite toutes seules dans l'organisme. Ces cellules sont donc capables de lutter contre les cellules cancéreuses sur le long terme. « Théoriquement pendant plusieurs années », précise le praticien.

Plutôt des enfants

Cette nouvelle thérapie concerne plutôt les enfants même si les trois premiers malades traités au CHU Estaing depuis le début de l'année sont des adultes, dont un jeune homme de 19 ans qui était jusqu'alors suivi par le service de pédiatrie. « Les trois patients ont été traités. Cinq autres sont en prévision pour les trois prochaines semaines. »

Précision importante, le médicament n'est jamais administré en première intention. « Il vient même en 3e intention pour les lymphomes et les états réfractaires de la leucémie. »

10 à 20
patients
par an

Concrètement, chaque patient doit observer une phase préparatoire à la maison, avant de subir une hospitalisation d'une durée de 14 jours environ. Un suivi sera ensuite réalisé à raison d'une à deux consultations par semaine et ce, pendant trois semaines. Les patients qui habitent loin de Clermont pourront rester sur place au sein de la maison des familles, située à proximité immédiate de l'hôpital.

Cette nouvelle technique présente-t-elle des effets secondaires comme la chimiothérapie ? « C'est complètement différent, affirme le spécialiste. Il peut y avoir des effets toxiques sur le plan neurologique ce qui nous oblige à recevoir l'appui de nos confrères neurologues. Et puis, il y a d'autres effets toxiques un peu aigus car la cellule est tellement efficace qu'elle est capable de détruire complètement la tumeur et le patient peut s'intoxiquer par la dégradation même de sa tumeur. De plus, les nouvelles cellules sécrètent des substances que l'on connaît bien puisque ce sont les mêmes substances que l'on développe quand on fait une grippe. Celles-ci passent dans le sang et nous permettent de lutter contre le virus avec de la fièvre, des frissons, etc. Là, les toxicités sont encore plus importantes et cela peut nécessiter un séjour en réanimation. »

Dans un premier temps, le CHU prévoit de traiter entre 10 et 20 patients par an. Mais le développement de cette technique va également permettre à l'établissement de rentrer dans des essais thérapeutiques.

Quel taux de guérison ?

Pour l'heure, il est encore un peu tôt pour donner des chiffres sur le pourcentage de guérison. Des patients traités en 2017 en France n'ont aujourd'hui pas rechuté. « Pour des leucémies lymphoblastiques, l'efficacité est supérieure à 50 % dans des formes qui étaient jusqu'à présent réfractaires avec des évolutions tragiques. »

Pour pouvoir développer ce traitement, le CHU dispose bien évidemment d'un plateau technique adapté et il a reçu de surcroît une autorisation spécifique de l'Agence régionale de santé.

Avec cet avènement, souligne Jacques-Olivier Bay, c'est aussi l'apparition d'un nouveau modèle technologique à quoi l'on assiste. « Par le passé, nous avons eu le modèle de la radiothérapie, puis de la chimiothérapie et de l'hormonothérapie, maintenant, c'est un nouveau chapitre qui s'ouvre. »

Évidemment, le prix du médicament représente un coût très élevé pour la collectivité, de l'ordre de 340.000 euros l'injection ! Et cela, sans prendre en compte les investissements réalisés par le CHU pour pouvoir développer la technique. Ce prix est bien sûr remboursé sous conditions de la transmission de données exhaustives auprès de la Haute autorité de santé, le ministère de la Santé et l'Assurance maladie.

Le Professeur insiste bien sur le fait qu'il s'agit avant tout d'un travail collectif rassemblant plusieurs équipes du CHU comme le service de Thérapie cellulaire et hématologique clinique, la pharmacie, le service de réanimation, la neurologie, l'infectiologie...

Des espoirs
pour d'autres pathologies

Pour Jacques-Olivier Bay, les espoirs engendrés par cette technique sont grands. « On peut imaginer des développements dans d'autres maladies hématologiques ou d'autres pathologies de tumeurs solides. » À plus long terme, il n'est pas impossible qu'elle puisse trouver des applications également dans certains types de maladies auto-immunes.

Pour lui, il s'agit plus largement d'une vraie révolution. « Celle-ci dépassera le domaine de la cancérologie » est intimement persuadé le spécialiste.

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