Résumer la trajectoire d’Henri Chibret en quelques lignes relève forcément de la gageure. Issu d’une illustre lignée de pharmaciens, « né dans un bain de collyre » (dixit sa mère), le jeune apothicaire intègre les laboratoires Chibret en 1965. Avec pour mission la direction des activités export. Pour lui, ce sera l’Allemagne et les pays du golfe persique. Après la vente des laboratoires à Merck en 1969, il poursuit sa carrière chez le géant américain, à Bruxelles, avant d’intégrer Ferlux à Clermont-Ferrand. Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Le goût pour la recherche et l’innovation, l’indépendance (des atavismes familiaux !), Henri Chibret crée Transphyto en 1978. Cette « start-up » avant l’heure va élaborer de nouvelles molécules ophtalmiques. « Plusieurs d’entre elles ont bien marché. J’ai eu de la chance », avoue modestement ce polyglotte.
En 1994, nouveau pari. Henri met sur orbite Théa, un vrai laboratoire pharmaceutique chargé de commercialiser les produits imaginés par Transphyto. Avec l’idée d’externaliser le maximum de travaux scientifiques afin de ne pas alourdir l’entreprise. En 1996, c’est la révolution dans le conditionnement des collyres. Théa lance l’Abak, le premier flacon multidoses permettant de bannir les conservateurs. « Dès le début, j’ai voulu explorer les marchés étrangers car le marché français était trop petit pour pouvoir amortir les frais de recherche. »
Le laboratoire s’est donc développé petit à petit, pays par pays. Avec patience et une vision à long terme, propre aux Chibret. Théa ? C’est aujourd’hui 26 filiales étrangères, 1100 collaborateurs dont plus de 250 travaillent sur le site de Clermont. Des emplois à forte valeur ajoutée. Cette année, le laboratoire va afficher un chiffre d’affaires de 460 millions d’€. Un record. « Et nous devrions passer la barre du demi-milliard en 2018 », prévoit déjà Henri Chibret, alors que de nouvelles filiales ouvriront dans les prochains mois au Canada, en Roumanie et au Chili.
LA RETRAITE : NON MERCI !
A la question de savoir s’il se considère avant tout comme un pharmacien ou un industriel, l’intéressé ne tranche pas : « je suis un créateur d’innovations. J’aime créer et internationaliser. »
Mais ne lui demandez pas le nombre de pays visités ou traversés durant sa carrière. Il n’en sait rien. Toujours entre deux avions, Henri Chibret s’est rendu sur tous les continents. « Excepté l’Océanie », concède-t-il.
A 77 ans, l’homme a toujours bon pied, bon œil. Lui qui n’aimait pas trop le sport étant jeune – « C’était en réaction vis-à-vis de mon frère*, très brillant en la matière » – a depuis changé son fusil d’épaule. Il s’entretient. Pratique toujours le ski, le tennis… « Histoire de préserver la machine ».
La retraite ? Très peu pour lui. « J’essaye de profiter davantage aujourd’hui mais j’aime bien être au travail. Et puis, on ne peut pas faire un métier à moitié. Théa nécessite de s’investir beaucoup. J’arrêterai le jour où je n’aurai plus envie. »
Visiblement, ce jour-là n’est pas encore arrivé. Avec son neveu, devenu président de Théa en 2008, Henri Chibret continue de parcourir le monde, à la faveur du développement de l’entreprise et des congrès d’ophtalmologie. La succession est prête. L’avenir dégagé. « Ce qui fait notre force, c’est cette vision à long terme. Mais la plus belle chose qui me soit arrivée, c’est d’avoir Jean-Frédéric ». On ne saurait rendre plus bel hommage…
* Jacques, son frère (le père de Jean-Frédéric), est décédé tragiquement en 1989 dans un accident de chasse en Afrique.
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