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Adrien Chalmin : "On connaît notre niveau, on sait ce que l'on peut faire et on a envie d'aller loin"

07h32 - 27 août 2024 - par Recueillis par Guillaume BONNAURE
Adrien Chalmin :
Adrien Chalmin, leader de l'équipe de France de rugby fauteuil et de l'ASM va jouer ses 4es Jeux paralympiques et croit à la médaille. - © Laurent Bagnis

Joueur de l'ASM rugby fauteuil, Adrien Chalmin va disputer ses 4es Jeux paralympiques avec l'équipe de France. Le Clermontois, l'un des leaders de cette équipe, nous parle de ce sport et de ces Jeux à la maison.

Vous étiez en stage à Vichy du 19 au 23 août. Après l'engouement des Jeux olympiques, il vous tarde de débuter ?

Oui on était là-bas jusqu'au 24 août pour notre dernier stage puis on est remonté au village olympique. C'était pour peaufiner les petits détails. La cérémonie cela va être le début des Jeux paralympiques mais il y a de grandes chances pour que l'on ne la fasse pas avec l'équipe car on joue le lendemain. Tu sens beaucoup d'excitation, on a envie d'y être.

Vous débutez par le Danemark le jeudi 29 août à 17 h 30, un habitué du haut niveau dans une poule relevée avec l'Australie championne du monde et la Grande-Bretagne…

Les 2 poules sont solides à part peut-être l'Allemagne, en deçà sur le Top 8 mondial mais le Top 7 a un niveau très homogène et on se retrouve sur une poule avec 3 équipes qui sont de notre niveau. Cela va être un groupe intéressant à affronter.

Vous montez crescendo durant les derniers JO : 8e à Londres, 7e à Rio et 6e à Tokyo. Quels sont vos objectifs sachant que vous êtes champions d'Europe 2022 et 2023 ?

Au-delà de ça, ce qui est intéressant, c'est que sur les deux dernières compétitions mondiales ont fait des gros parcours en poule. Aux Mondiaux 2019 on finit premiers de poule, même si on rate notre quart de finale… mais en Coupe internationale et en Canada cup on finit 4e en perdant contre des équipes que nous avons battues en poule. Ce sont des résultats très prometteurs, encore plus sur une compétition intéressante car il y a moins de matches. On sait que l'on a réellement la capacité par rapport aux autres années, même si à Tokyo on rate la qualification en demi-finale d'un point, on a vraiment l'équipe pour aller chercher une finale, en étant réaliste. C'est pour cela qu'il y a de l'excitation aussi. On connaît notre niveau, on sait ce que l'on peut faire et on a envie d'aller loin.

"La beauté de ce sport, c'est d'utiliser la capacité de chaque athlète pour un objectif commun qui est de marquer et de gagner le match ensemble."

Dans un article précédent vous disiez que cette génération arriverait à maturité en 2024. Vous partagez toujours cet avis ?

Oui et peut-être même en 2028. Mais en tout cas elle est prête. Les "rookies", les nouveaux qui nous ont renforcés après Rio et Tokyo ont continué de grandir. En fait, il n'y aura qu'un joueur qui n'aura jamais fait les Jeux dans notre effectif. Nous avons un groupe expérimenté et j'espère que l'on va aller chercher cette médaille car on la mérite. En tout cas, on a montré qu'on pouvait aller la chercher. Cela récompenserait tout le travail effectué depuis 2008 et notre progression. Le groupe entre Londres et Tokyo s'est renouvelé à 80 %. On est plus que deux joueurs des JO de Londres.

Cela vient du fait que les clubs français sont plus fournis pour alimenter l'équipe de France ?

Oui et c'est aussi un sport où il n'y a pas d'école de rugby. Quand les joueurs arrivent au rugby fauteuil, ils doivent apprendre les subtilités du jeu et acquérir de l'expérience pour jouer à ce niveau-là. Et cela prend du temps. Il y a aussi moins de concurrence car on a moins de licenciés. Rentrer dans un sport comme ça tardivement, cela nécessite du temps.

"Aujourd'hui le rugby fauteuil c'est la version 2.0 de mon sport quand j'ai commencé"

Pouvez-vous nous expliquer comment se passe un match de rugby fauteuil et les handicaps pour les joueurs (Adrien Chalmin est à 0,5 alors que Nicolas Valentim est à 2 N.D.L.R.) ?

J'aime bien le schématiser en prenant l'exemple d'un sport valide : en gros c'est comme s'il y avait un combat de 4 joueurs contre 4 autres joueurs sur un tatami avec une limitation de poids par équipe. Comme si tu ne pouvais pas mettre plus de 300 kg sur le tatami par exemple et le coach est obligé de s'adapter en mettant un Teddy Riner, un gars de 40 kg à côté pour arriver à cette règle-là… Le rugby fauteuil, c'est la même chose sauf que ce n'est pas du poids, ce sont les handicaps de chaque athlète qui sont quantifiés avec un nombre de points, de 0,5 à 3,5. 0,5 étant le joueur, de 40 kg, le plus handicapé et 3,5, Teddy Riner, qui fait 140 kg. L'entraîneur a une limite de 8 points à mettre sur le terrain et il doit adapter sa composition d'équipe en fonction de cette règle-là. Cela fait la beauté de ce sport aussi car on va utiliser la capacité de chaque athlète pour un objectif commun qui est de marquer et de gagner le match ensemble. Mais tout le monde n'a pas les mêmes fonctions, les mêmes capacités… Un joueur de 140 kg va être plus puissant et plus rapide et celui de 40 kg devra être plus subtil, avoir un meilleur placement.

On reste un peu dans l'ADN du rugby classique où tous les gabarits peuvent apporter à l'équipe…

Cela se rapproche du rugby d'antan avec le pilier droit qui était capable de faire de bonnes mêlées et rien d'autre. Aujourd'hui cela change. Dans le rugby fauteuil, même si on nous demande de plus en plus de choses à chaque poste on est quand même limité par rapport à nos handicaps qui sont différents. L'utilisation de ces profils est intéressante.

Après votre grave blessure en 2005 avec l'ASM CA, vous avez plongé dans cette discipline pour retrouver un sport de contact. Vous avez été l'un des pionniers du rugby fauteuil. Comment voyez-vous l'évolution de ce sport à Clermont-Ferrand et en France ?

Ce ne sont plus les mêmes sports. Entre mes débuts en 2007 et le rugby fauteuil aujourd'hui, c'est un sport qui a évolué avec un niveau de densité incroyable. Déjà, il y a de nouveaux profils d'athlètes qui sont arrivés, qui n'étaient pas là quand j'ai commencé. Des joueurs avec des handicaps différents mais qui sont hyper intéressants de par les fonctions au niveau lombaire et du tronc, de toute la sangle abdominale, qui a un impact considérable. C'est un sport plus dense, plus physique que ce qui l'était. Aujourd'hui c'est la version 2.0 de mon sport, ce n'est plus la même chose. Et à l'ASM, comme dans tous les autres clubs, ceux qui ont réussi à monter à bord avec ces profils-là on suivit le train et les autres, restés avec des profils de joueurs "has been" ont plus de difficultés. Aujourd'hui, dans le Top 8 mondial, ce sont des profils d'équipes avec des capacités de tronc, de vitesse très importantes permettant d'être au top.

Vous êtes l'un des plus anciens dans cette équipe de France. Bravo pour votre carrière d'ailleurs car durer dans ce sport physique c'est fort. Quel est votre rôle dans cette équipe ?

Merci. Mon rôle c'est de prendre du plaisir, je savoure tous ces moments. J'estime avoir beaucoup de chances comme vous dites de m'être inscrit dans la durée. D'autant plus que je fais partie de ces profils "has been", des joueurs avec beaucoup de handicaps et du coup qui s'accrochent dans ce sport avec un handicap assez important. C'est pour moi un honneur de représenter mon pays. Mon rôle c'est d'être là quand on a besoin de moi, de prendre soin de chaque athlète. On a un groupe incroyable humainement, très fort sur le terrain mais avec de gros potentiels et de grosses personnalités. C'est aussi savoir orchestrer tout ça et faire que tout le monde trouve sa place. Cela me plaît beaucoup, ce rôle de régulateur, de facilitateur. Et quand je suis sur le terrain pour 4 ou 8 minutes, je n'ai pas le temps de jeu que j'avais quand j'avais 20 ans, mais j'essaye d'apporter mon expérience de ces évènements, de répondre présent quand on a besoin de moi pour permettre à notre 4 majeur d'être très fort dans les fins de matches notamment.

On avait discuté avant le début des Jeux olympiques avec Nicolas Valentim votre coéquipier à l'ASM et en équipe de France, qui est aussi engagé avec l'association Handi'school. Pouvez-vous nous parler de son rôle ?

Nicolas c'est un besogneux, il est très rigoureux, il travaille beaucoup et se donne à 100 %. Tu sais que tu peux partir au combat avec un mec comme ça. En plus, c'est un vrai gentil, dans un collectif, il t'apporte du bien-être, il sera toujours là pour tout le monde, tu peux compter sur lui sans souci, il sera là pour se donner corps et âme pour l'équipe de France. C'est un gars méritant même si je sais qu'il a besoin de se sentir légitime. Tout ce qu'il fait et la rigueur qu'il met dans son comportement sur et dehors du terrain appuie ce mérite qu'il a du mal à percevoir.

Après ces différentes olympiades, jouer à la maison cela doit être quelque chose de fort ?

On a hâte de commencer, je crois que l'on joue tous nos matches à guichets fermés. C'est top. Il faut que l'on soit prêts aussi à accueillir cette ambiance qui va être certainement incroyable et qui va nous sublimer. Je pense que cela va être une arme supplémentaire. Je suis impatient comme mes coéquipiers d'en découdre avec toutes ces nations qui sont toutes méritantes et de haut niveau. Il est difficile de savoir qui sera sur le podium début septembre.

Après France-Danemark le 29/08 à 17h30, les Bleus joueront contre l'Australie le 30 août à 19h30 et contre la Grande Bretagne le 31 août à 19h30.

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