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« - Bonjour, c’est Johnny Hallyday »

11h28 - 09 octobre 2017 - par Info Clermont Métropole
« - Bonjour, c’est Johnny Hallyday »
- © CULT_PORTEJOIE

Avocat des stars et des politiques, le Clermontois Gilles-Jean Portejoie revient dans « Les nuits blanches d’une robe noire » (De Borée) sur son métier et sur les affaires qui ont marqué sa carrière. Morceaux choisis par Emmanuel Thérond. Johnny. « 21 juillet 2003, un peu avant 13 heures. Je bois un verre de saint-pourçain rouge – frais, comme il se doit – au Chardonnay, mon restaurant clermontois. La sonnerie du portable retentit. Numéro masqué. Je prends néanmoins l’appel. – Bonjour. C’est Johnny Hallyday. La voix est un peu étouffée, difficilement audible. Je crois d’abord à une plaisanterie. Comment le chanteur pourrait-il avoir mon numéro de mobile ? Et pourquoi prendrait-il le temps de m’appeler ? Je le sais en pleine tournée des stades à l’occasion de ses 60 ans. » Charasse. « Michel Charasse réplique sitôt que l’on porte atteinte à son honneur et à sa considération. La règle du jeu est simple : on touche, on abîme, il réagit immédiatement, que ce soit au civil ou au pénal […] Gaston Deferre lui avait un jour montré son bateau amarré dans le port de Marseille : les procès en diffamation lui avaient permis de le financer. Michel Charasse préfère verser les sommes aux Restos du cœur. Là encore, un homme se reconnaît à ses choix. » Mc Do. « Certains journalistes vont quelquefois vite en besogne […] Geoffrey Mac Donald (défendu par l’avocat après un cambriolage avec violence, NDLR) est en réalité un homme d’affaires de haut vol qui a notamment réussi dans la promotion immobilière aux Etats-Unis. Bien que très diminué physiquement, il m’avait murmuré sur le ton de l’ironie : - Cela ne me choque pas vraiment que l’on nous prenne pour les héritiers McDonald. Sauf que nous sommes beaucoup plus riches que ces gens-là ! Cela ne manque pas de sel et m’a fait sourire. » Michelin. « Chacun comprend qu’un tel succès aiguise les appétits, les rancœurs, les jalousies et qu’au moindre risque le Bibendum attaque sans jamais se dégonfler […] La ville avait pris fait et cause pour la manufacture. Non sans raison puisque […] le destin de l’une se confond sous bien des aspects avec celui de l’autre. Dans les cafés clermontois, on ne me félicitait pas de défendre celui (Marwan Arbache, NDLR) qui pouvait vider la manufacture de sa substance. Je l’ai senti. Encore une fois, ces réactions n’étaient dictées que par des impressions, des peurs. Mais peu importe d’avoir été regardé une nouvelle fois comme le défenseur d’un félon, voire de mettre en péril un site et des emplois. » Gilbert Collard. « Nous savons qu’à tout moment l’un pourra compter sur l’autre. Il en est comme des grandes tables : la brigade en cuisine est toujours prête à faire face au moindre coup de feu. Gilbert Collard ne manque ni de brio ni de métier. Que lui reproche-t-on ? De faire parler de lui. Vrai et faux à la fois : il profite justement des tribunes qui lui sont offertes pour mieux défendre les affaires de ses clients. Certes, il se sert des médias. Mais ceux-ci sont tout autant ravis de se servir de lui ». Lolo Ferrari. « Cette affaire est malheureusement emblématique de ce que la justice ne devrait pas faire. Il n’est pas normal qu’une instruction dure si longtemps. Il est tout aussi anormal d’ignorer à ce point la présomption d’innocence. Inacceptable à vrai dire que l’on puisse être placé en détention provisoire sur la base d’une simple hypothèse, d’ailleurs jamais validée. La suspicion a tenu lieu de conviction. Le doute n’a absolument pas profité à Eric Vigne. Bien au contraire, il a été victime d’une présomption de culpabilité. » Pierre Jourde. « En écrivant Pays perdu, Pierre Jourde a incontestablement fait œuvre de littérature, démêlant le réel pour le transmuter en fiction. Mais ce matériau a choqué, heurté, blessé profondément de braves gens peu au fait des canons du genre. Comment leur en faire grief ? Le propre des écrivains est de vouloir tout justifier, tout expliquer. Ce en quoi d’ailleurs ils ressemblent beaucoup aux avocats. » Fiona. « Que n’ai-je entendu parce que j’ai continué à assurer la défense de ma cliente ! Et quoi ? Il en va de l’honneur de l’avocat et de la profession que de défendre nos semblables, quelle que soit la nature de leur crime, aussi odieux soit-il. Nous étions en pleine préparation des élections municipales et de l’annonce de ma candidature. La position est inconfortable, je l’accorde, mais imagine-t-on un avocat se retirer d’une affaire sous prétexte que sa cliente lui a menti et que, de fait, l’opinion ne lui est plus favorable ? Honte à celui qui favoriserait son ambition personnelle. » Le métier. « Savoir si mon client me dit la vérité ou pas est le cadet de mes soucis. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si la vérité qu’il me livre peut correspondre à la vérité judiciaire. Si sa thèse est défendable ou pas. Le reste n’est rien. Que poursuite du vent… » L’éloquence. « La télévision a considérablement changé les règles de l’éloquence. Je pense même qu’il y a l’éloquence d’avant et celle d’après la petite lucarne. Elle a certes tué la grandiloquence. Mais comment ne pas constater que l’art oratoire s’est affadi puis vidé de toute substance en raison même de la nature du média ? »

Photo © Denis Pourcher


A LIRE « Les nuits blanches d’une robe noire », Gilles-Jean Portejoie & Joseph Vebret, De Borée, collection « Histoire & Documents », 350 p., 7 € (format poche). A lire des mêmes auteurs, toujours chez De Borée : « Les secrets d’Alfred Lindecker. »

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