La piétonisation en marche

Longtemps pensés pour les seuls et uniques déplacements en voiture, les espaces publics clermontois s’apaisent. Cette mutation, enclenchée avec l’arrivée du tram, semble faire consensus auprès des élus.
[caption id="attachment_221487" align="aligncenter" width="800"] Pas à pas, les zones piétonnières gagnent du terrain à Clermont-Ferrand[/caption]
Peut-être est-ce dû à Michelin… En tout cas, pendant des années, voire des décennies, Clermont-Ferrand n’a pensé la ville qu’en termes de déplacements automobiles. A l’époque, le sujet ne faisait même pas débat. La voiture, c’était la liberté. C’était le progrès. C’était l’avenir. Il fallait pouvoir aller partout, se garer partout, remplir son coffre partout. Alors, on a bitumé à tout-va, créé des autoroutes urbaines, des parkings de plusieurs étages, des zones commerciales pouvant accueillir des centaines de voitures. Mais voilà : on a fini par oublier qu’il existait des modes de déplacements alternatifs. Et que cette omniprésence pouvait générer quelques désagréments…
« C’est le sens de l’Histoire » G. Bernard
Bien sûr, Clermont-Ferrand n’est pas un cas isolé. Mais contrairement à d’autres métropoles, elle a tardé à réagir, à changer de paradigme. En octobre dernier, Luc Le Chatelier, journaliste à Télérama, s’en était ému dans un article consacré à cette capitale du pneu qui espère devenir celle de la culture. « Ici, la voiture est reine. Sorti du centre ancien, le piéton se sent bien vulnérable ; côté pistes cyclables, le retard est patent ; quant à la seule ligne de tram, elle ne passe même pas par la gare ! » Blessant, mais juste… Depuis quelques années, on sent néanmoins les mentalités évoluer. Petit à petit, la butte centrale sourit aux piétons. On voit également surgir des pistes cyclables, des vélos en libre-service, des lignes de bus en sites propres. Mais c’est le tram, sans doute, qui a fait le plus de bien à Clermont-Ferrand. Grégory Bernard, l’adjoint à l’urbanisme, est convaincu qu’il faut aller encore plus loin. « Un des éléments de la qualité urbaine, c’est la place qu’on laisse aux piétons. Le recul de la voiture, c’est le sens de l’Histoire » insiste-t-il, précisant que le rapport entre le nombre de morts sur les routes et le nombre de morts prématurées liées à la pollution est de 1 à 10. Malgré des progrès de la part des constructeurs, la pollution générée par la voiture n’est pas seulement atmosphérique. Elle est aussi visuelle, olfactive, sonore. Et ce n’est pas son seul défaut : stationnée ou roulante, la voiture accapare l’essentiel de l’espace. A forte dose, elle peut même rendre un espace public totalement inhospitalier. Réduisez sa place et vous verrez de nouveaux usages s’installer, des parents lâcher la main de leur progéniture, des personnes âgées sortir de chez elles, des enfants faire du vélo, des commerçants déployer leurs étals… Bref, tout ce qui rend une ville animée et agréable à fréquenter. A-t-on déjà vu des touristes prendre plaisir à se balader au milieu de grands parkings ? Interrogé par Info Magazine, ce Clermontois de 66 ans, qui se définit comme « un automobiliste qui marche », s’interroge - par exemple - sur la pertinence de ces parkings sur les places Renoux et Sugny. Pour lui, il faudrait les transformer. Idem pour la rue Blaise-Pascal : il s’étonne encore de voir des voitures remonter cette artère très étroite. « Faut pas s’étonner que les magasins ferment les uns après les autres… » [caption id="attachment_221486" align="aligncenter" width="800"]
Un sujet « complexe » pour le commerce
Qu’en pensent les commerçants ? Pour Alban Pereira, le président de Clermont Commerces, la piétonnisation est un sujet « complexe », « subtil », parfois source de « divergences » en fonction des secteurs ou du type d’activité. « Il faut l’étudier dans un plan global » nuance-t-il. Cela dit, il a lui aussi compris que la voiture avait ses limites en hypercentre, et qu’il valait mieux (de manière générale) avoir un espace piéton devant sa boutique qu’une place de parking. Il préconise par exemple de « coller » la place Delille à la rue du Port, afin de créer un espace apaisé propice à la déambulation… et au chiffre d’affaires. « Pour les courses en voiture, il y a les grands centres commerciaux. » compare-t-il. Sur de tels sujets, on sent souvent sourdre la bataille des « pro » et des « anti ». Il ne s’agit évidemment pas de tomber dans l’idéologie, ni d’opposer les automobilistes aux piétons ou aux cyclistes. D’ailleurs, les frontières sont rarement étanches… Il ne s’agit pas non plus de faire la chasse aux voitures, puisque beaucoup d’habitants n’ont souvent pas d’autre alternative. Enfin et surtout, les usagers ne sont pas à un paradoxe près : parfois, ceux qui veulent moins de voiture veulent aussi pouvoir se garer facilement devant chez eux… Intérêt général, contre intérêts particuliers. [caption id="attachment_221485" align="aligncenter" width="640"]
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